Autoéditrice, maquettiste & graphiste à Nantes

Peut-on utiliser une image IA pour une couverture de livre?

Créer une couverture percutante est devenu plus simple que jamais : en quelques clics, une image générée par intelligence artificielle semble pouvoir faire tout le travail. Et certains auteurs s’en réjouissent, pensant avoir trouvé le raccourci idéal.

Sauf que, dans l’édition comme ailleurs, tout ce qui brille n’est pas sans risque.

Pour éviter de vous retrouver un jour à devoir gratter à la porte d’Amazon KDP ou de Draft2Digital pour faire réapparaître un livre retiré, mieux vaut connaître les règles du jeu. Miaulement préventif : ce n’est pas parce que c’est joli et rapide que c’est juridiquement sûr.

Le problème juridique que personne ne veut voir

Les images générées par IA (Midjourney, DALL·E, Firefly) sont techniquement produites sans intervention humaine directe. Un prompt, quelques secondes de calcul, et l’image apparaît. Magique, non ? Sauf que le droit d’auteur, lui, est historiquement réservé aux œuvres humaines. Cela crée une zone floue juridique dont vous êtes le premier exposé.

Concrètement, voici ce que vous ne possédez pas vraiment quand vous générez une image par IA : vous n’avez pas de droit d’auteur classique sur l’image. Ce que vous avez, c’est un droit d’usage, valable uniquement selon les conditions de licence de la plateforme utilisée. Et si un tiers estime que votre image porte atteinte à ses droits (ressemblance avec une œuvre existante, un style reconnaissable, un visage), vous êtes seul responsable.

La plateforme IA, elle, se dégage de toute garantie. Vous avez signé les CGU sans les lire ? Normal. Mais c’est là que le piège se referme.

Ce qui peut vous arriver (vraiment)

Amazon KDP, Draft2Digital, Kobo et les autres plateformes d’autoédition ne rigolent pas avec les droits d’image. Si votre couverture pose problème, voici ce qui vous attend : suppression de votre livre sans préavis. Blocage de compte pour manquement aux conditions d’utilisation. Plainte de tiers si l’image ressemble trop à une œuvre, un visage ou un logo existant. Et cerise sur le gâteau : aucune exclusivité. Quelqu’un d’autre peut générer une image presque identique à la vôtre avec un prompt similaire.

Autrement dit, vous avez mis du temps à écrire votre livre, vous l’avez publié, et quelques mois plus tard, il disparaît parce qu’une image générée en 30 secondes pose un problème de droits. Pas franchement le scénario idéal.

Ce que disent vraiment les plateformes d’IA

Arrêtons de fantasmer. Voici ce que permettent (et ne permettent pas) les principales plateformes.

Midjourney autorise l’usage commercial, mais uniquement pour les abonnés payants. Vous pouvez utiliser l’image pour une couverture, mais la plateforme ne donne aucune garantie juridique. Et le risque de similarité avec des styles artistiques existants est élevé, surtout si vous demandez « à la manière de ». Vous pouvez consulter leurs conditions ici : https://docs.midjourney.com/hc/en-us/articles/32083055291277-Terms-of-Service

DALL·E (via OpenAI / ChatGPT) autorise aussi l’usage commercial. Mais là encore, pas de garantie contre les ressemblances accidentelles avec des personnes ou des œuvres. Et comme avec Midjourney, pas d’exclusivité : plusieurs utilisateurs peuvent obtenir des images très proches. Les conditions sont disponibles ici : https://openai.com/fr-FR/policies/terms-of-use/

Adobe Firefly est actuellement l’un des outils les plus fiables pour les auteurs. Pourquoi ? Parce qu’il a été entraîné sur des contenus sous licence ou libres de droits. La licence commerciale est sécurisée si vous avez un abonnement actif. Ce n’est pas parfait, mais c’est plus propre juridiquement. Vous trouverez leurs conditions ici : https://www.adobe.com/fr/legal/terms.html

Canva (avec IA intégrée) autorise l’usage commercial pour les images IA dans les limites de sa licence Pro. Attention toutefois : vous ne pouvez pas revendre l’image seule (par exemple en banque d’images), et vous n’avez aucun droit exclusif sur les visuels générés. Leur politique IA est consultable ici : https://www.canva.com/fr_fr/conditions-generales-utilisation/ai-product-terms

Comment utiliser l’IA sans se mettre en danger

Si vous tenez vraiment à utiliser une image générée par IA pour votre couverture, voici les règles à respecter.

Utilisez une IA avec une licence commerciale claire. Adobe Firefly et Canva Pro sont les options les plus sécurisées aujourd’hui. Gardez une preuve de tout : le prompt, l’image brute, les conditions d’utilisation en vigueur au moment de la génération. Si un jour on vous demande de justifier l’origine de votre couverture, vous aurez besoin de ces éléments. Personnellement c’est ce que je fais systématiquement lorsque je conçois une couverture avec IA.

Préférez des visuels sans visage, sans logo, ni élément reconnaissable. Plus l’image est abstraite ou conceptuelle, moins vous prenez de risques. Un paysage flou, des formes géométriques, une ambiance colorée : tout ça passe mieux qu’un portrait réaliste ou une scène trop identifiable.

Si la plateforme l’exige, ajoutez une mention dans vos crédits. Certaines licences imposent de mentionner que l’image a été générée par IA. Ce n’est pas systématique, mais vérifiez.

Et surtout, évitez ces erreurs classiques : ne générez pas une image « à la manière de » un artiste connu. C’est le meilleur moyen de vous attirer des ennuis. N’utilisez pas Midjourney ou DALL·E sans abonnement. La version gratuite ou d’essai ne donne généralement pas de droits commerciaux. Ne publiez jamais sans avoir les documents de preuve de licence. Si vous ne pouvez pas prouver que vous avez le droit d’utiliser l’image, ne l’utilisez pas.

Récapitulatif des licences (mai 2025)

Pour vous y retrouver rapidement, voici un tableau synthétique des principales plateformes :

Midjourney : usage commercial autorisé avec abonnement, licence juridiquement floue, pas d’exclusivité, risque de style trop reconnaissable.

DALL·E (ChatGPT) : usage commercial autorisé, licence claire mais sans garantie, pas d’exclusivité, image potentiellement réutilisable par d’autres.

Adobe Firefly : usage commercial autorisé avec abonnement Adobe, licence fiable, pas d’exclusivité, faible risque juridique.

Canva IA : usage commercial autorisé avec Canva Pro, licence limitée, pas d’exclusivité, attention à l’usage dérivé.

Ce que vous devez retenir

Utiliser une image générée par IA pour une couverture, c’est tentant. Mais la publication d’un livre est un acte public, durable, et engageant. Ce qui semble anodin aujourd’hui peut se transformer en mauvaise surprise demain.

Alors avant de vous jeter sur le prompt parfait, prenez un instant pour vérifier que tout est clair côté droits. Et si vous sentez que c’est un peu flou, mieux vaut choisir une solution plus classique. Ce n’est pas la course au buzz qui fait vendre un livre, c’est sa cohérence, sa qualité, et sa fiabilité — jusque dans sa couverture.

Et si vous avez un doute, comme tout bon félin, mieux vaut flairer deux fois qu’imprimer trop vite.


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